En phase avec les accords de Paris de 2015, la stratégie nationale bas carbone pose les jaloncs d’une réduction des gaz à effet de serre, notamment au niveau des entreprises.
Dans cet article, nous vous présentons tout ce qu’il faut savoir sur cette feuille de route : histoire, définition, cadre législatif, objectifs, et surtout méthodologie pour l’appliquer en entreprise.
Qu’est-ce que la stratégie nationale bas carbone ?
Définition et cadre législatif de la stratégie nationale bas carbone
La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) est une feuille de route qui encadre la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle nationale.
Elle a été instituée en 2015 par la Loi relative à la Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV), avec un double objectif :
- Réduire les émissions de GES sur le territoire national,
- Agir sur l’empreinte carbone de la consommation française, y compris celle des biens importés.
« La SNBC donne les grandes orientations pour mettre en œuvre la transition vers une économie bas carbone, circulaire et durable. »
Source : Ministère de la Transition écologique
Elle répond ainsi aux engagements pris par la France dans le cadre de l’Accord de Paris, signé en décembre 2015, qui vise à maintenir le réchauffement climatique sous les 2°C, voire idéalement en dessous de 1,5°C (selon les recommandations du GIEC).
La SNBC évolue au rythme des progrès scientifiques, des technologies disponibles, et des enjeux socio-économiques. Ainsi, Elle est soumise à une révision tous les 5 ans, avec :
- Une première version adoptée en 2015 : la SNBC 1
- Une deuxième version actualisée en 2019 : la SNBC 2
- Et une troisième version : la SNBC 3, pour la période 2024–2028.
Les révisions apportées permettent d’ajuster la trajectoire carbone de la France, tout en tenant compte des données actualisées du GIEC ou des recommandations du Haut Conseil pour le Climat par exemple.
❓ Le saviez vous ?
La SNBC s’articule avec plusieurs autres cadres nationaux et européens :
- Les plans d’adaptation au changement climatique (PNACC).
- La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), qui définit les priorités en matière d’énergie
- La Stratégie Française pour l’Énergie et le Climat (SFEC), en cours d’élaboration
Les grandes orientations de la stratégie nationale bas carbone
La Stratégie Nationale Bas Carbone est structurée autour de quatre grands axes stratégiques, eux-mêmes déclinés en 45 orientations qui visent à transformer en profondeur nos modèles de production et de consommation.
Les quatre grands axes pour une économie bas carbone
Voici les quatre grands axes sur lesquels repose la stratégie nationale bas carbone, à horizon 2050 :
- Décarboner l’énergie utilisée en France : L’objectif est de sortir des énergies fossiles, en priorité dans les secteurs les plus émissifs (transport, industrie, logement), et généraliser les énergies bas carbone (nucléaire et énergies renouvelables)
- Diviser par deux les consommations d’énergie finale en renforçant l’efficacité énergétique (rénovation thermique des bâtiments, électrification des mobilités, optimisation des process industriels, etc…)
- Réduire les consommations non énergétiques : cela concerne surtout les matières premières fossiles utilisées dans l’industrie (comme les plastiques ou certains intrants chimiques) et appelle à une économie circulaire plus durable.
- Renforcer les puits de carbone naturels : La SNBC mise sur les forêts, les sols agricoles, les zones humides et les prairies pour capter une partie des émissions résiduelles
3 exemples concrets parmi les 45 orientations de la SNBC :
La stratégie nationale bas carbone inclut 45 orientations de politiques publiques à traduire par des mesures concrètes. Ces orientations sont réparties en orientations de gouvernance, orientations transversales, et orientations sectorielles.
Plus concrètement, voici 3 exemples d’orientations de politiques publiques impulsées par la SNBC :
- Orientation 6 : Massifier la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels. Le but est d’améliorer la performance thermique des logements, réduire la précarité énergétique et baisser les émissions du secteur.
- Orientation 20 : Développer la mobilité partagée et les transports collectifs.
Les buts principaux de cette mesure sont de désenclaver les territoires et améliorer la qualité de l’air (en réduisant la dépendance à la voiture). - Orientation 37 : Promouvoir une alimentation plus végétale : en réduisant la consommation de viande, on diminue les émissions issues de l’élevage intensif et on allège la pression sur les écosystèmes.

Le Haut Conseil pour le Climat estime que « le secteur agricole représente environ 19 % des émissions nationales de GES en France », et que des changements alimentaires peuvent significativement contribuer à la réduction des émissions.
Rapport Annuel pour le climat – HCC
Zoom sur les budgets carbone
La mise en œuvre des orientations de la SNBC s’appuie sur un outil central de pilotage : les budgets carbone. Ce sont des plafonds chiffrés d’émissions de gaz à effet de serre à ne pas dépasser, fixés pour des périodes de cinq ans.
À ce jour, trois budgets ont été fixés (2015 – 2018, 2019 – 2023, et 2024 – 2028)
Chaque budget est décliné par grands secteurs d’activité et sert de référence pour évaluer les progrès et identifier les écarts.
🙌 Remarque
Les budgets carbone constituent un garde-fou essentiel. En cas de dépassement, l’État est tenu de réviser ses politiques pour revenir sur la bonne trajectoire. Ce mécanisme renforce l’exigence de cohérence et de responsabilité.
Les orientations de la stratégie nationale bas carbone 3 (2024 – 2028)
Rattraper le retard accumulé par les SNBC 1 et 2
« Les actions actuellement engagées ne permettent pas d’atteindre les objectifs climatiques de la France. Il faut au minimum doubler le rythme de réduction des émissions sur la période 2024–2030. »
Haut Conseil pour le Climat – Rapport annuel 2023
La SNBC 3, finalisée en 2024, vient raffermir les engagements pris dans les SNBC 1 et 2 tout en intégrant les leçons tirées des retards accumulés dans certains secteurs.
En effet, si les stratégies nationales bas carbone 1 et 2 ont posé les bases d’un pilotage à long terme des émissions et ont structuré des politiques publiques en faveur de leur réduction, elles ont aussi accumulé des retards notables :
- Un dépassement de 4% annuel en moyenne du 2eme budget carbone (pour différentes raisons : rebond post covid, lenteur dans la rénovation énergétique)
- Des efforts inégaux selon les secteurs. On remarque par exemple des progrès dans la production d’énergie, mais des blocages dans la mobilité ou dans le bâtiment.
SNBC 3 : Des modélisations plus précises et des objectifs réalistes
La SNBC 3 propose désormais une trajectoire complète de décarbonation par poste et par usage. Sa modélisation repose sur trois grands principes :
- Anticipation des ruptures technologiques (hydrogène, capture carbone, biogaz)
- Prise en compte des freins sociaux et économiques (acceptabilité, emploi, coûts d’investissement) ;
- Intégration des objectifs de biodiversité, de santé publique et de qualité de vie.
De cette modélisation plus précise, découle quatre grands objectifs structurants :
- Réduire la pression exercée sur la biodiversité
- Restaurer les milieux dégradés
- Mobiliser l’ensemble des acteurs
- Mettre en place les moyens à la hauteur des ambitions
🙌 Remarque
La nouveauté de la SNBC 3 réside aussi dans son approche « systémiques ». Elle ne segmente plus les actions par silo mais cherche à aligner climat, économie, emploi, santé, biodiversité et justice sociale.
Un budget carbone plus ambitieux
Dans le cadre de la SNBC 3, le troisième budget carbone (2024–2028) a été revu à la baisse, avec un objectif de réduction moyen de 4,7 % par an, contre 1,9 % sur la période précédente.
Concrètement, les plafonds d’émissions visés sont :
- 270 MtCO₂e/an en moyenne pour 2024 – 2028
- 230 MtCO₂e/an pour 2029 – 2033 (qui pourra être révisé par la SNBC 4)
🙌 Remarque
Cela implique un effort de décarbonation plus que doublé en comparaison avec les résultats passés. L’ensemble des politiques publiques devront être alignées avec ces plafonds, sous peine de désalignement réglementaire et diplomatique.
La stratégie nationale bas carbone appliquée en entreprise
Pourquoi appliquer la stratégie nationale bas carbone en entreprise ?
Les entreprises contribuent grandement aux émissions de GES
« Les secteurs économiques structurés autour des entreprises – transports (≈ 32–34 %), industrie (≈ 17–18 %) et bâtiments résidentiels et tertiaires (≈ 16 %) – représentent ensemble plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre en France. »
Source : Haut Conseil pour le Climat (rapport 2023) et Ministère de la Transition Écologique (Chiffres clés du Climat 2024).
Du fait de leur contribution importante aux émissions de GES en France et dans le monde, les entreprises font partie des acteurs qui doivent s’aligner sur les objectifs et les orientations de la SNBC.
Si cela peut sembler contraignant de prime abord, il est important de noter que suivre les objectifs de la SNBC pour une entreprise comporte aussi des avantages.
« La neutralité carbone ne pourra être atteinte sans un engagement massif des entreprises. Elles sont au cœur de la solution. »
Source : ADEME
Mobiliser ses équipes autour d’un projet qui fait sens
Appliquer une stratégie de réduction des GES permet de mobiliser les collaborateurs autour d’un cap clair, porteur de sens, en lien avec les valeurs émergentes de responsabilité, de sobriété et d’innovation.
De plus en plus de talents, en particulier parmi les jeunes générations, cherchent à travailler pour des entreprises engagées.
Renforcer l’image de marque et la marque employeur
Selon une étude Harris Interactive (2023), 76 % des Français déclarent qu’une entreprise engagée dans la transition écologique leur inspire davantage confiance.
Source : harris-interactive.fr
S’engager dans une stratégie bas carbone, c’est aussi envoyer un signal fort à ses parties prenantes : clients, partenaires, investisseurs, institutions, médias :
- Les acheteurs publics et privés demandent de plus en plus de preuves d’engagement environnemental ;
- Les consommateurs plébiscitent les marques transparentes et responsables ;
- Les financeurs intègrent des critères ESG dans leurs décisions d’investissement.
Une entreprise alignée sur la SNBC anticipe ces évolutions et bâtit une réputation solide.
Autres avantages notables
D’autres avantages à suivre la SNBC existent, cela permet par exemple de :
- réduire son exposition aux hausses de prix de l’énergie ou aux ruptures d’approvisionnement
- minimiser les risques liés à la future réglementation environnementale européenne (taxe carbone aux frontières, CSRD, taxonomie verte…) ;
- accéder à de nouveaux marchés publics ou à des financements conditionnés à la durabilité.
Faites le point sur l’état de votre entreprise et engagez vous dans la réduction de vos émissions
Comment appliquer la stratégie nationale bas carbone en entreprise ?
S’il existe de nombreux avantages pour une entreprise à se conformer à la SNBC, encore faut-il connaître les moyens à mobiliser pour y parvenir. Nous vous présentons ici les principaux leviers d’action pour passer d’une intention à une transformation tangible.
Réaliser un bilan carbone pour poser un diagnostic
Le point de départ incontournable, c’est la réalisation d’un bilan carbone. Cet outil permet d’identifier, quantifier et hiérarchiser les émissions de gaz à effet de serre de l’entreprise, sur l’ensemble de ses scopes :
- Scope 1 : émissions directes (véhicules, chaudières, etc.)
- Scope 2 : émissions indirectes liées à l’énergie (électricité, chaleur)
- Scope 3 : émissions indirectes étendues (achats, transport amont/aval, usage des produits…)
Comme l’explique notre consultante carbone et numérique responsable, Morgane Delosme dans son témoignage vidéo : « Vous ne pouvez pas améliorer ce que vous ne mesurez pas. ». D’où l’importance de mesurer ses émissions carbones pour ensuite tenter de les réduire !

Utiliser davantage d’énergies renouvelables
Une fois les émissions identifiées, l’un des leviers les plus immédiats peut être la substitution des énergies fossiles par des énergies bas carbone :
- Électricité issue de sources renouvelables (solaire, hydraulique, éolien) ;
- Réseaux de chaleur alimentés par la biomasse ou la géothermie ;
- Autoproduction via des installations photovoltaïques sur site.
⚠️ Attention !
basculer vers des énergies renouvelables sans réduire la consommation globale peut limiter l’impact. La sobriété reste un principe fondamental de la transition.
Réduire son empreinte carbone globale
L’empreinte carbone moyenne d’un salarié de bureau en France s’élève à environ 2,5 tonnes de CO₂e par an. Une entreprise peut réduire cette valeur jusqu’à 40 % via des changements organisationnels simples.
Source : ADEME – Données Carbone
La réduction de l’empreinte carbone ne se limite pas à l’énergie. Elle implique une révision profonde des pratiques et des chaînes de valeur :
- Mobilité durable : inciter au télétravail, favoriser le covoiturage ou la flotte électrique ;
- Écoconception : repenser les produits et services pour limiter leur impact par la mise en place d’une analyse de cycle de vie par exemple ;
- Achats responsables : privilégier des fournisseurs locaux, engagés, et à faible impact carbone, mettre en place une charte achats responsables
- Économie circulaire : allonger la durée de vie des produits, recycler, privilégier une approche low tech, réutiliser, former aux bonnes pratiques…
Communiquer sur ses engagements et résultats
Les parties prenantes (clients, collaborateurs, partenaires, investisseurs) attendent aujourd’hui des preuves tangibles de vos engagements.
En ce sens, voici quelques bonnes pratiques :
- Publier un rapport climat annuel ou intégré au rapport RSE ;
- Partager les résultats du bilan carbone et les plans d’action associés ;
- Mettre en avant les réussites internes (témoignages, projets pilotes, innovations) ;
- Rechercher des labels ou certifications (ex. : norme ISO 14001, Label Bas Carbone, etc.).